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VISITE

Il était assis devant sa table,
Ses rêves parqués douillettement
Dans le domaine de sa lampe,
Et il entendait contre sa fenêtre
Les charges fragiles de la neige,
Lorsque brusquement il pensa

A un homme qu'il connaissait
Et qu'il n'avait pas vu depuis longtemps.
Aussitôt il eut à la gorge
Quelque chose qui l'oppressa,
Quelque chose fait de tristesse
Et d'un peu de honte.

Il savait que cet homme était humble
Dans son coeur et dans ses paroles
Et qu'il n'avait rien pour séduire
Et qu'il vivait comme ces arbres
Isolés sur une âpre plaine;
Il savait que depuis des mois
Maintes fois il avait promis
A cet homme d'aller le voir
Et qu'à chacune de ses promesses
L'autre avat remercié doucement
En feignant de le croire.
Il savait aussi que et homme l'aimait.

Tout cela remplit sa songerie,
Tout cela remplit de bruit sa chambre,
Il n'essaya pas de le chasser.
Mais un ordre intérieur
Le fit tressaillir soudain;
Sa gorge était libérée
Et ses yeux riaient, joyeux;
Il se vêtit à la hâte,

Il sortit de sa maison,
Et s'engagea dans la neige
Vers la maison de cet homme.
Après les premières paroles,
Lorsqu'il fut assis dans la lumière
Entre cet homme et sa compagne
Tous deux surpris et empressés,
Il s'aperçut qu'on lui ménageait
Ces silences qui interrogent
Et font comme du blanc qu'on laisse
A dessein parmi l'écriture;
Il remarqua sur les deux visages

Comme une inquiétude furtive,
Il chercha et soudain comprit:
Ces gens hélas, ne croyaient pas
Qu'il fût venu à l'improviste
Si tard, de si loin, par la neige,
Seulement pour sa joie et leur joie,
Seulement pour tenir une promesse;
Et ils attendaient l'un et l'autre
Que brusquement et d'une haleine il exposât
La grave raison de sa venue.
Ils avaient hâte de savoir
Quelle chance on leur apportait,
Quel service on attendait d'eux!
Vite il voulut dire
Les mots qu'il fallait pour les détromper;
Mais eux pesaient ses paroles,
mais eux pressentaient l'instant
De connaître son dessein.
Il se sentait confus et maladroit
Comme un accusé.
Il fut ainsi séparé d'eux
Jusqu'à la minute tardive
Où il se leva pour partir.

Alors se fit une détente
Alors ils osèrent comprendre:
Il n'était venu que pour eux!
Quelqu'un avait voulu les voir,
Sans plus, les voir, être chez eux
Et leur parler et les entendre;
Et ce désir avait été
Plus fort que le froid,
plus fort que la neige
Et que la distance!
Quelqu'un enfin était venu!
Leurs yeux maintenant
Etaient gais et tendres;
Ils parlaient très vite,
Ils parlaient ensemble
Pour tenter de le retenir.

Ils étaient debout près de lui
Et trahissaient un besoin enfantin
De gambader et de battre des mains...
Il leur promit de revenir.
Mais avant de gagner la porte
Il fixa bien dans sa mémoire
le lieu où s'abritait leur vie.
Il regarda bien chaque objet
Et puis aussi l'homme et la femme,
Tant il craignait au fond de lui
De ne plus jamais revenir.



Charles Vildrac


Charles Vildrac

español Traducción de Ismael Enrique Arciniegas

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